Au Royaume-Uni, un visa à points dès janvier 2021

Alors que la pandémie vient de placer en première ligne de nombreux travailleurs étrangers “peu qualifiés”, le gouvernement britannique refuse d’amender son projet visant à sélectionner les candidats à l’immigration les plus diplômés.

Le projet de loi destiné à mettre fin à la libre circulation des ressortissants européens au Royaume-Uni a franchi une nouvelle étape lundi 18 mai à la Chambre des communes. Une majorité de députés a voté en faveur de la poursuite de l’examen du texte qui prévoit d’instaurer un visa à points “à l’australienne” dès le 1er janvier 2021.

À la veille de la séance aux Communes, le magazine The Economist avait pourtant publié un article constatant le changement d’attitude de la population britannique à l’égard des “key workers” étrangers – brancardiers, caissières, chauffeurs de bus, aides soignants ou travailleurs agricoles –, pour la plupart peu diplômés, qui ont permis au pays de tenir face à la pandémie de Covid-19 :

Une enquête réalisée en mars par le sondeur Ipsos Mori a révélé que la grande majorité des électeurs souhaitent que le nombre de migrants venant en Grande-Bretagne pour travailler dans les maisons de retraite reste inchangé ou augmente. Étant donné que la pandémie et la récession vont se traduire par une réduction sensible de l’immigration globale, Mme Patel pourrait se permettre de faire quelques concessions.”

“Une économie à hauts niveaux de qualifications”

Peine perdue. Face aux députés, la ministre de l’Intérieur de Boris Johnson a intégralement maintenu le projet, rapporte The Guardian, avec pour objectif de n’attirer que les “meilleurs” des candidats à l’immigration, ceux qui seront susceptibles d’assurer au pays un “brillant avenir”. Selon Priti Patel,

ce projet de loi va jouer un rôle essentiel dans nos plans de relance. Il mettra fin à la libre circulation [des citoyens européens] et ouvrira la voie à notre nouveau système d’immigration à points. Un système plus cohérent, plus juste et plus simple qui attirera les personnes dont nous avons besoin pour que notre pays surmonte la crise du coronavirus, qui jettera les bases d’une économie productive à hauts niveaux de salaires et de qualifications.”

Concrètement, la future loi d’immigration devrait correspondre aux promesses électorales faites par Boris Johnson lors de sa campagne en décembre dernier : les visas de travail seront réservés aux personnes titulaires d’un diplôme équivalant au moins au A-Level britannique (diplôme de fin d’études secondaires), ayant un bon niveau d’anglais, disposant d’une promesse d’embauche et d’un salaire annuel minimum de 25 000 livres sterling (soit 28 000 euros).

Le seul aménagement envisagé lundi par Priti Patel concernerait certains personnels destinés à renforcer le National Health Service (NHS) : les visas pourraient leur être délivrés plus rapidement.

Ces “travailleurs clés” qui ne sont pas les bienvenus

L’opposition travailliste a tenté de faire valoir que plus de la moitié des immigrants européens désormais reconnus comme “travailleurs clés” n’auraient pas pu décrocher un visa de travail dans le cadre de ces futures dispositions – la proportion d’exclus s’élèverait même à 71 % selon un think tank, l’Institute for Public Policy ResearchCité par le Financial Times, Nick Thomas-Symonds, ministre du Travail du “shadow cabinet” constitué par le Parti travailliste, a fustigé la “grossière hypocrisie” du gouvernement qui “appelle la population à applaudir ces travailleurs le jeudi et qui, le lundi suivant, leur explique qu’ils ne sont pas les bienvenus”.

Depuis lundi, des lecteurs postent leurs réactions sur le site du Guardian“Une personne raisonnable penserait que la crise de Covid-19 nous a appris à quel point nous sommes dépendants des ‘travailleurs clés’ et qu’en conséquence nous les apprécions. Ce projet de loi montre tout le contraire”, constate l’un d’eux. “À cause de ce sinistre projet de loi sur l’immigration, j’ai honte d’être britannique”, écrit un autre lecteur.

Courrier Expat

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